Les caractéristiques sonores
des orgues Cavaillé-Coll.


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Laurent PLET

Facteur d'orgues





 

  Buffet de l'orgue Cavaillé-Coll de l'abbaye de Royaumont.
 
Quand, en juin dernier, Luk Bastiaens, m'a demandé d'écrire un article sur les caractéristiques sonores des orgues Cavaillé-Coll1, j'ai, de prime abord, songé qu'il serait assez aisé de rédiger sur un sujet que je crois connaître suffisamment pour l'avoir abordé souvent durant les vingts-sept ans de mon entreprise de restauration d'orgues, à Troyes, dans la région de Champagne-Ardennes. Pourtant, je me suis très vite rendu compte qu'il est capital de commencer par rappeler en préambule à quel point il est impossible de dissocier la stricte harmonie des tuyaux de tout ce qui se passe en amont, c'est-à-dire bien avant que le vent n'attaque le pied du moindre tuyau. S'il ne faut pas douter une seconde que la phase finale de l'harmonie d'un orgue soit capitale, particulièrement du point de vue des organistes, elle n'en reste pas moins dépendante de l'ensemble de l'instrument. En tant que facteur d'orgues, il faut encore, deux cents ans après la naissance d'Aristide Cavaillé-Coll, dire, écrire, répéter sans cesse à quel point aucun instrument ne peut se prévaloir de posséder telle ou telle caractéristique sonore sans considérer sur quoi elle repose.

Prendre un jeu issu d'un instrument de Cavaillé-Coll et le poser, simplement avec accord, sans retoucher l'harmonie, sur un sommier d'un autre orgue qui n'aura, pas les mêmes caractéristiques de transmissions, d'alimentation, d'environnement et d'acoustique aboutira, de fait, à un résultat différent. Cette évidence est souvent à rappeler tant on entend, encore de nos jours, que tel ou tel instrument est bien un Cavaillé : « parce que la tuyauterie est ceci » ou « parce que l'harmonie est cela »...

« Caractéristiques sonores », chez Cavaillé-Coll plus peut-être que chez tout autre, relève d'une délicate alchimie entre empirisme et scientisme. Le présent avertissement se fixe donc le but de démontrer que cette alchimie ne fut pas la même d'un instrument à l'autre, loin s'en faut. La variété des combinaisons entre les différents éléments que sont la tuyauterie, la mécanique, la soufflerie, les buffets, les vaisseaux acoustiques des nefs ne permet pas de définir une caractéristique sonore mais bien des généralités. Et, en aucun cas, celles-ci ne peuvent déboucher sur une seule définition. On ne peut pas dire ou écrire : « les Cavaillé sonnent comme ceci ou comme cela » car il n'y a pas une caractéristique sonore de Cavaillé-Coll mais bien autant que cette manufacture a produit d'instruments. Après avoir restauré huit instruments de différentes époques je peux affirmer que chaque orgue de Cavaillé-Coll a trop de spécificités, tant en harmonie, en mécanique, en soufflerie, en emplacement spatial dans l'église ou simplement d'époque de construction, pour qu'on le réduise à une seule esthétique. Il est difficile de mettre en parallèle l'instrument de Saint-Denis et les premiers orgues de Charles Mutin même si tout le stock de la tuyauterie due à Cavaillé-Coll était encore bien accessible en atelier à son successeur. Enfin, Cavaillé-Coll ayant, toute sa vie, cherché à améliorer sa facture il est toujours possible de trouver dans un instrument authentique des éléments qui diffèrent des habitudes constatées et que j'essaye de décrire ici.

Il reste, par contre, à raconter une histoire qui, sur une si grande production, mériterait bien plus qu'un article de quelques pages, mais sans aucun doute un ouvrage entier. C'est la raison pour laquelle je ne prétends nullement faire une synthèse de la facture Cavaillé-Coll car mes connaissances sont trop lacunaires ne concernent finalement qu'environ un pour cent de la production de l'atelier Cavaillé-Coll ! Ce n'est ni dans mon rôle, ni dans mes capacités de prétendre rendre accessible les différents écrits ou études déjà publiés ; je peux juste témoigner de ce que j'ai démonté et étudié lors des restaurations citées ci-après dans l'ordre chronologique de livraison des instruments par Cavaillé-Coll.


Le but de cet article est donc de faire comprendre deux éléments qui me tiennent à cœur : d'une part, il n'y a pas qu'un seul son Cavaillé-Coll car chaque instrument et chaque harmoniste ont leurs particularités, et, d'autre part, le son d'un orgue ne dépend pas que de son harmoniste et de ses tuyaux. D'ailleurs, nous savons tous qu'il est possible, pour un facteur d'orgues, de transformer profondément le rendu sonore d'un orgue en relativement peu de temps. Certains de mes collègues s'en sont fait une spécialité et n'hésitent pas à modifier rapidement les sonorités d'instruments pour plaire aux organistes titulaires ou aux propriétaire. La mode, en ce moment, est de faire sonner les orgues plus fort, ce qui plaît beaucoup aux auditeurs. Je pense donc utile de rappeler encore que les conditions d'écoute contemporaine n'ont strictement rien à voir avec celles des siècles précédents. Qui plus est, lorsque ces pratiques concernent des orgues protégés au titre des Monuments Historiques, cela devient malheureusement de la destruction de patrimoine !


 

COMPOSITIONS

Il est bien évident que la première caractéristique se retrouve dans les compositions. Il ne s'agit pas ici de faire des analyses comparatives des différentes compositions des orgues de Cavaillé-Coll, mais il est nécessaire de retrouver des constantes dans toute composition qui prétend retrouver ou imiter un son Cavaillé-Coll : abondance et diversité des huit pieds sur chaque plan sonore, Bourdon 16' et Prestant 4' quasi obligatoires au Grand-Orgue, Cornet, Doublette et Quinte très souvent aussi sur ce plan sonore, Flûtes harmoniques en huit pieds au Grand-Orgue et au Récit au minimum, en quatre et deux pieds uniquement au Récit expressif, Plein Jeu au Grand-Orgue à reprise ou progressif, avec ou sans tierce, plafond harmonique très haut (1/20' avec un 1' montant au F5), jeux ondulants au Récit, parfois au Positif. Batteries d'anches coniques sur Grand-Orgue et Pédale, anches plus solistes au Récit et au Positif, etc...

Je ne citerai à titre d'exemple, qu'une seule particularité sur les ondulants : Dans l'orgue de Nîmes, le jeu de Voix Céleste posé par Cavaillé-Coll était un Bourdon à cheminée (le même que celui du Grand-Orgue), discordé sur une Gambe appelée Viole d'Amour. Hamel décrit cette association Viole d'Amour et Bourdon à cheminée, dit Voix céleste, dans un rapport de novembre 1848 sur l'orgue de Saint-Brieuc (livré par Cavaillé-Coll en octobre 1848). Dans son article « La palette sonore de Cavaillé-Coll »2, François Sabatier affirme que c'est à la cathédrale de Toulouse (livré par Cavaillé-Coll le 21 août 1849) que l'association Gambe et Voix Céleste devient définitive. L'orgue de l'église Saint Paul de Nîmes ayant été livré le 10 mai 1849, il est donc naturel d'y retrouver un Bourdon à cheminée appelé Voix Céleste. Mais cette disposition a été rapidement insupportable au goût de la deuxième moitié du siècle entraînant le remplacement de ces tuyaux de Bourdon par la Gambe actuelle qu'il était prévu de conserver dans le Cahier des charges de la restauration. Nous n'avons donc malheureusement pas pu remettre un Bourdon à cheminée neuf.


 

ALIMENTATION

Les réservoirs

Voilà un domaine qui était primordial pour Cavaillé-Coll. Il a toujours essayé de stabiliser le flux du vent pour assurer une alimentation abondante et calme aux tuyaux. Ses grands principes de distribution ont été mis au point très tôt puisqu'on trouve dès l'instrument de Nîmes (1849) un empilement de deux réservoirs sous chaque côté du sommier du Grand-Orgue. Le réservoir inférieur est alimenté directement par les pompes et contient la réserve à forte pression pour les aigus. Le réservoir supérieur présente une pression plus faible pour les graves, alimenté par un gosier. Le récit est à pression unique, alimenté par un porte-vent.

Pour un instrument plus important, (Saint-Dizier, 1862) le principe reste le même avec deux grands réservoirs à plis compensés et un réseau de porte-vent qui distribue l'air directement aux sommiers. C'est d'ailleurs le seul instrument que j'ai rencontré où tous les porte-vent de sapin étaient tellement attaqués par les vers xylophages qu'ils ont été intégralement remplacés en copie.

Cavaillé-Coll fait ensuite assez rapidement la distinction entre l'étage de production du vent (pompes plus un réservoir à un ou plusieurs plis) et les réseaux de distribution du vent avec des réservoirs communs ou individualisés par plan sonore suivant l'importance de l'orgue. Ces réservoirs sont alors situés le plus près possible des sommiers qu'ils alimentent directement par des gosiers. Les porte-vent servent donc uniquement à relier les différents réservoirs !

Dans les petits instruments (Long, 1877, Givet, 1868), on retrouve un empilement de trois réservoirs de grande taille à un seul pli : le réservoir inférieur à un pli rentrant reçoit l'air des deux pompes et alimente les réservoirs de distribution du vent. Viennent ensuite deux réservoirs superposés, un à un pli rentrant, l'autre à un pli saillant, dont les deux tables sont reliées. Cet ensemble forme donc un réservoir à plis compensés avec deux fois plus de surface de table pour absorber le plus possible les secousses de pompage. Précaution à laquelle Cavaillé-Coll peut aussi renoncer puisque à Roubaix (1890), l'étage alimentaire (1 pli rentrant) est stabilisé par des ressorts en fer plat et alimente alors un réservoir à plis compensés. Dans les instruments plus importants, comme à Royaumont, ou disposés de façon trop particulière comme à Marle, chaque sommier possède son propre réservoir d'alimentation à un ou plusieurs plis, ou même plusieurs réservoirs pour les sommiers de Grand-Orgue à deux pressions différenciées. L'étage de production est alors complètement indépendant de l'instrument et peut même être supprimé, remplacé par le seul moteur ventilateur comme à Royaumont. En effet, pour ce dernier instrument l'ensemble de production du vent devait se situer dans le sous-sol de la villa de Monsieur Maracci et n'a donc pas été remonté à Royaumont par Gonzalez.

Toutes les pressions que j'ai pu relever chez Cavaillé étaient d'environ 80 à 95 millimètres pour le circuit pression basse ou pression unique et 110-115 millimètres pour les pressions fortes.

Tous les réservoirs sont recouverts de papier gaufré vert foncé. Les tables, les porte-vent et les pompes sont systématiquement peints en rouge, même teinte que les tuyaux de bois. Ces caractéristiques se retrouvent dans toutes les souffleries de Cavaillé-Coll que j'ai pu voir.

Les gosiers sont très fréquents chez Cavaillé-Coll. Dans nos restaurations, ils ont presque toujours été complètement repeaussés. Leurs éclisses sont en carton ou en bois (chêne ou tilleul), parfois même les deux systèmes cohabitant dans le même orgue.


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Schéma de l'orgue de Saint Paul de Nîmes, vu de l'intérieur, côté Do.



Les peaux

En principe, je n'ai jamais eu de problème avec les peaux utilisées par Cavaillé-Coll, j'ai très souvent pu les conserver presque intégralement à l'intérieur des réservoirs. Pour les faces extérieures certains soufflets ont été complètement repeaussés comme à Royaumont, les autres, le plus souvent, uniquement surpeaussés. Dans les instruments « relevés » les cuirs apparents sont toujours ceux d'origine. Seul, l'orgue de Nîmes n'a plus aucune peau ancienne ; en effet, tous les cuirs utilisés par Cavaillé-Coll dans cet orgue partaient en poussière pour une raison non déterminée. Il s'agit peut-être d'un mauvais traitement lors du tannage initial, ou bien la conséquence des conditions hygrométriques subies dans cette ville si chaude ;.

Postages, porte-vent

À Nîmes (1849) le choix d'une façade alimentée par des sommiers indépendants à piston a permis au facteur de limiter considérablement le nombre de postages. Cependant, comme probablement pour les cuirs, les conditions atmosphériques particulières de cette église ont été aussi fatales à ces postages qui étaient si oxydés qu'ils ont dû être presque tous remplacés, en copie bien sûr. Cavaillé-Coll fait habituellement un usage important des postages de plomb, puisqu'il ne pose jamais les basses en bois directement sur les sommiers. Dans les sommiers de pédale de Royaumont, tous les tuyaux de bois sont systématiquement postés, jusqu'au D3 de chaque jeu !

Il est complètement illusoire de penser économiser de l'argent ou du temps en remplaçant des postages longs à réaliser en plomb par des conduits en cartons. Le résultat n'en sera jamais satisfaisant et l'attaque du tuyau posté s'en ressentira directement surtout si le carton est ondulé pour permettre les changements faciles de direction !

Tous les porte-vent sont en sapin, leurs côtés étant simplement collés à plat joint. Les tracés sont toujours le plus direct possible, parfois à travers la mécanique, avec des coudes à 45 degrés au maximum. Je ne me rappelle pas avoir jamais rencontré de changement de direction obtenu par simple croisement de porte-vent avec une sur-longueur en appendice pour éviter les turbulences.

Les trémolos

Le principe de fonctionnement du trémolo qui veut provoquer un tremblement dans l'émission du tuyau grâce à une perturbation régulière du vent et de sa pression vient à l'encontre de la recherche constante de stabilité dans l'alimentation de Cavaillé-Coll. Il en résulte une action généralement très peu efficace, et parfois même, la mise en fonction du trémolo n'est perceptible par l'auditeur que par le bruit du claquement de sa soupape intérieure. Ce défaut a été réglé en fin de carrière puisque dans ses derniers orgues (Marle, 1891 et Roubaix, 1890) la mise en fonction du trémolo entraînait un mécanisme bloquant les anti-secousses internes du sommier du Récit (alors composés d'un soufflet à un pli rentrant et non d'un simple fond amovible).


 

SOMMIERS

Tous les sommiers de Cavaillé-Coll que nous avons restaurés sont fabriqués selon les mêmes principes : un cadre de ceinture en chêne sans aucun assemblage. Une grille simplement collée sous la table composée de barrages en pin et de denticules rapportés qui déterminent les largeurs de gravures. Des flipots de chêne dans le sens des barrages pour tenir l'axe des soupapes. Des prisonniers en chêne entaillés dans les barrages pour séparer les doubles-layes. Des soupapes de pin recouvertes de deux épaisseurs de peau et d'une baudruche. Des ressorts de laiton à doubles boucles. Des boursettes indépendantes avec fil de laiton refermé en boucle sur deux osiers. Des sièges de soupapes toujours recouverts de parchemin. De la peau sous les registres et des grains d'orge pour échappement sur les tables et sous les chapes, sauf dans l'orgue de Nîmes ou les tables étaient recouvertes de peau et non les registres. Les fonds des sommiers de Cavaillé-Coll sont généralement composés de toile encollée tendue sur cadres de chêne avec souvent une fonction d'anti-secousse grâce à une plaque de chêne maintenue sous pression par des ressorts plats en acier.

Les faux-sommiers sont toujours en chêne, communs généralement à plusieurs jeux et fixés à chaque extrémité sur des supports de la profondeur du sommier. Il n'y a généralement pas de découpe au-dessus des postages.

Tous les sommiers des orgues simplement « relevés » sont restés en place et donc in-touchés depuis le montage de l'orgue par Cavaillé-Coll ; ceux des orgues « restaurés » ont généralement été complètement repris et réencollés, voire reconstruits partiellement. Une exception pour le Récit de Saint-Dizier qui ne présentait aucun décollement ni emprunt lors de nos essais ; il n'a donc jamais été ramené en atelier. Par contre, les sommiers de Récit et de Positif de Royaumont ont été reconstitués de façon importante puisque les doubles layes avaient complètement disparues. Les parties neuves résistent d'ailleurs mieux que les anciennes aux mauvaises conditions hygrométriques que l'orgue restauré subit maintenant.

Il n'y a aucun sommier auxiliaire pour l'alimentation des basses des claviers manuels même dans les instruments relativement importants comme Saint-Dizier (1862) et Royaumont (1865). Par contre les orgues à deux claviers en sont pourvus en 1877 (Long) et bien sûr, en fin de carrière de Cavaillé-Coll (Roubaix et Marle). J'ignore à partir de quand cette disposition a été appliquée.

Généralement, l'alimentation des tuyaux graves se fait directement par le sommier ; les douze ou dix-huit premières notes sont très souvent à doubles gravures si la composition l'exige. Ces gravures sont toujours séparées, alimentant donc les jeux choisis de façon complètement indépendante. Il est donc indispensable de bien régler la mécanique pour ne pas additionner les résistances au décollement. Il semble aussi qu'au début de sa carrière, Cavaillé-Coll ait essayé d'autres techniques puisque dans l'orgue de Saint Paul de Nîmes, seuls les Bourdons et les Flûtes sont alimentés directement ; il n'y a donc pas de doubles gravures.


 

TRANSMISSIONS

Machine Barker de l'orgue Cavaillé-Coll de l'abbaye de Royaumont.  
 
Il est difficile de définir des généralités dans un domaine aussi divers. Les trajets mécaniques sont souvent particuliers à chaque instrument. Cependant, il est possible de trouver des points communs aux éléments constitutifs de ces transmissions tout au long de la carrière de Cavaillé-Coll. Les touchers peuvent être très agréables, doux et précis dans les petits instruments avec console en fenêtre ou console retournée. Par contre, pour les orgues de trois claviers (Saint-Dizier et Royaumont) les trajets compliqués et le nombre de soupapes à tirer augmentant avec les doubles gravures et doubles layes, les touchers des claviers de Récit et Positif deviennent particulièrement lourds. Le Grand-Orgue étant dans ces cas toujours relié à la machine Barker sert régulièrement de clavier d'accouplement. Les deux machines Barker Cavaillé-Coll que nous avons restaurées étaient du type à pistons horizontaux, sans les pistons régulateurs de course à l'intérieur des soufflets. La course des soufflets est alors régulée par une butée en haut des pilotes de sortie.

Toutes les vergettes ont systématiquement un point de réglage ; un côté se terminant par un crochet de laiton, l'autre par une tige de laiton fileté. La tige de laiton est toujours aplatie sur 30 millimètres environ, et traverse la vergette pour être sertie sur le bois. Cette liaison est toujours renforcée par du fil de coton enduit de colle. Toutes ces tiges de laiton ont des diamètres de 1,8 à 2,2 millimètres suivant les plans sonores ou les orgues, mais les plus anciennes à Nîmes étaient beaucoup plus fines (1,4 millimètres), ce qui les rend plus fragiles.

Si les équerres les plus anciennes étaient entièrement en hêtre à Nîmes, Cavaillé-Coll a ensuite adopté les équerres en laiton dans des supports d'axes en hêtre ou en bois fruitiers. De la même façon, si l'orgue de Nîmes possède encore des abrégés en bois, tous les autres n'ont plus que des abrégés en fer, avec des bras sertis et dont le bout est forgé, des axes en acier rapportés, des crapaudines en bois fruitiers garnies de rondelles en cuir.

Dans la transmission des jeux, la constance de fabrication est encore plus nette puisqu'on retrouve à Marle (1891) et Nîmes (1847) les même équerres métalliques de renvois horizontaux, les mêmes rouleaux, les mêmes bras brasés de la même façon, les mêmes supports de hêtre sur tourillon pour les équerres verticales ou les cuillères d'accouplements et tirasses, les mêmes formes de cuillères et les mêmes pommeaux de tirage des jeux en palissandre. Les étiquettes en papier sous protection de verre se retrouvent aussi sur les pédaliers de chaque époque dès qu'il y a plus de six cuillères à différencier.


 

CONSOLES

Tous les bras de clavier sont recouverts de placages de palissandre, comme les plaques d'adresse et les dièses des pédaliers. La plupart des claviers que nous avons restaurés étaient issus de la fabrique Monti, rue Oberkampf à Paris. Je n'ai jamais rencontré chez Cavaillé-Coll des claviers qui ne soient pas en chêne, des placages autres que l'ivoire aussi bien pour les palettes que pour les frontons. Les pommeaux de tirages de jeux et les placages des bras de claviers, des frontons de console, et des dièses de pédalier sont toujours en palissandre.

Les pédaliers de Cavaillé-Coll sont reconnaissables à leurs formes, les types de fabrication de chaque marche et les papiers signalétiques des cuillères sous protection de verre. Il est indispensable de copier tous ces éléments si l'on veut recréer une « ambiance Cavaillé-Coll » à la console. Un pédalier moderne avec des cuillères en aluminium coûtera certainement quatre ou cinq fois moins cher, remplira le même usage et n'aura donc pas d'influence sur le rendu sonore de l'orgue mais certainement sur la perception qu'en aura celui qui joue. Or, pour qu'un auditeur entende un son Cavaillé-Coll, il est aussi indispensable que l'organiste se sente lui-même sur un authentique Cavaillé-Coll. Une console moderne, des tirages de jeux électriques avec combinaisons multiples n'entraîneront certainement pas cette « alchimie » particulière. Mais beaucoup d'organistes ne seront certainement pas d'accord avec moi sur ce point !


 

TUYAUTERIE
  Tuyauterie du Récit de l'orgue Cavaillé-Coll de l'abbaye de Royaumont.
 

Alliages

Il est bien évident qu'on n'a pas mesuré systématiquement les alliages de tous les jeux Cavaillé-Coll passées entre nos mains, mais des mesures ont été faites à chaque fois que des tuyaux neufs étaient nécessaires. Les pesées ont toujours été simplement comparatives par rapport à un étalonnage industriel en partant du principe qu'il n'y avait dans l'alliage que majoritairement du plomb et de l'étain. En effet, nous n'avons jamais trouvé de tuyaux chez Cavaillé-Coll portant visuellement des traces de cuivre.

Les alliages mesurés sont de 23 à 27 % d'étain pour tous les pieds (tuyaux à bouche et à anche) et les corps des Bourdons ; de 62 % à 77 % d'étain pour les corps des autres tuyaux à bouche (Flûtes Harmoniques, Gambes et principaux) ; de 70 % à 77 % pour les pavillons des anches.

Le zinc est présent dès 1864 pour le Violoncelle de pédale de l'orgue de Royaumont et dans les basses du Basson de Récit de l'orgue de Givet. Ce sont, à chaque fois, des jeux isolés, ce qui me fait plus penser à des expériences plutôt qu'à une obligation par manque de matière première.

Le spotted (alliage d'environ 50 % non raboté ni raclé sur la croute extérieure des plaques) n'apparaît que sur l'orgue le plus récent : dans le Récit de Marle (1891).

Le martelage est encore visible sur quelques principaux et pavillons d'anches à Nîmes, plus jamais dans les orgues postérieurs que nous avons restaurés.

Basses acoustiques

Nous avons trouvé deux types de basses acoustiques placés par Cavaillé-Coll dans ses orgues ne pouvant prétendre abriter un seize pieds réel. À Nîmes, six basses de Montre 16' sont composées de tuyaux de bois ouverts en huit pieds (tailles de flûte) et alimentés en même temps qu'un emprunt au Bourdon 16 du même clavier. À Long, les six basses du Violoncelle 16' sont chacune composées de deux tuyaux de Montre sonnant ensemble : un de huit pieds et l'autre donnant sa quinte de 5'1/3.

Noyaux d'anches

Au début de sa carrière Cavaillé-Coll a utilisé des moules assez caractéristiques qui permettent de reconnaitre ses noyaux carrés au premier coup d'œil avec leur collerette à raz du noyau du côté de la rasette et avec un fort débord par rapport au pied de l'autre côté. Il utilise alors des anches à bec rapporté et n'a besoin que de huit formes de noyaux du 16 au 4 pieds. Très rapidement la production des anches s'industrialise et nous disposons de quinze sortes de noyaux carrés (ou noyaux anglais) et onze sortes de noyaux à olives dont neuf avec bagues. Chaque noyau est directement coulé avec son trou d'axe au diamètre exact de l'anche qu'il doit recevoir. Et chaque noyau a un modèle numéroté de pied adapté. Les rigoles sont alors embouties, à bout rond, généralement refermées aux trois quart de leur hauteur.



Nîmes - Église Saint Paul
orgue CAVAILLÉ-COLL Père & fils - 1849

Dimensions des noyaux



  No 1 No 2 No 3 No 4 No 5 No 6 No 7 No 8
Ø 50 43 37,5 34,6 29,8 25,9 24,3 21
H 40 34 30 29,1 27,6 25 23 21,2
D 65 55 48,8 40,5 37,1 29,8 27 24,2
A 25 22 19 17 16 15,4 13,6 12,3
B 21 18 16,3 14,9 12 12 10,8 10,4
C 46 39 33,2 26,5 29,7 21 17,8 16,6
E 12 10 8,5 9 8,3 5,4 5 4,5

Shéma de référence.

ROYAUMONT - orgue Aristide Cavaillé-Coll - 1865

Dimensions des noyaux


Noyau anglais.

Noyau anglais.

Anglais Ø E+F A B C D E F
1 55 68 64,5 53 20,5 44 8 60
2 48,5 58 56,4 46,6 16 36,5 6,5 51,5
3 42,5 54 50 40,5 15 34 5,5 48,5
4 39 46 45,5 37,5 13,5 28 4,5 41,5
5 36,5 43,5 43,2 35,2 13,5 26,5 4,5 39
6 34 42 41 32,7 13 25,5 4,5 37,5
7 32 39 39,5 31 12,5 23 4,5 34,5
8 30,5 38 37 29,5 11 22,5 4,5 33,5
9 28,5 36 35,5 27,5 10,5 22 4,5 31,5
10 26,5 35 33 25,5 10 21 4 31
11 25,5 33 32 24,7 9 19,5 4 29
12 24 31 30 23,1 8,5 18,5 4 27
13 22,5 29 28,5 22 8,5 17,5 4 25
14 21 28,5 27 20 7,5 16,5 4 24,5
15 20 28 25 19 7 17 4 24
 

Noyau en olive.

Noyau en olive.

Olive Ø H A B
1 34,5 45 12 10
2 33 40 11 10
3 31 39 10 8,5
4 30 38 9,5 8
5 29 36 9 7,5
6 27,5 33 9 7
7 26 31 8,5 7
8 24,5 29 8 7
9 23 29 8 6
10 21,5 26 7,5 6
11 20 26 7 6


Les diapasons

À 15 degrés Celsius de température, les diapasons d'origine retrouvés lors des restaurations sont les suivants : 432 Hz (Roubaix, 1890, Marle, 1891), 435 Hz (Long, 1877, Royaumont, 1865), 439 Hz (Saint-Dizier, 1862) 440 Hz (Nîmes, Saint Paul, 1849).

Formules de longueurs

Pour les jeux à bouche, la formule donnée par Cavaillé-Coll convient bien pour la construction de ses jeux coupés au ton, ce qui devient vite assez rare. Dès qu'il y a entaille de timbre la longueur des corps correspond à la longueur théorique, autrement dit la longueur d'onde de la fréquence que doit émettre le tuyau, moins deux tiers de diamètre intérieur. L'entaille est généralement pratiquée à un diamètre du haut du tuyau, donc à la hauteur de la coupe si le tuyau était coupé au ton. De même, pour les tuyaux harmoniques, Cavaillé-Coll a très vite placé ses trous à la hauteur qu'aurait eu le tuyau coupé au ton et il ajoute une longueur théorique à la longueur du corps.

Pour les Bourdons, il est difficile de trouver une règle de longueur qui soit valable pour tous les tuyaux. Cavaillé-Coll a adopté très tôt le principe des tuyaux bouchés à calotte mobile ; d'abord, comme à Nîmes, avec des calottes en métal embouti avec un bourrelet de renfort, puis avec des calottes dans le même alliage que le reste du tuyau, avec ou sans cheminée suivant le mordant ou la douceur qu'il veut imprimer à son jeu.

  Article sur l'Hydraule à propos de cette anecdote.
 
À Nîmes, l'étanchéité et le calage des calottes mobiles des bourdons est assurée par de la peau. Ailleurs, on trouve le plus souvent du papier lisse bleu foncé le plus souvent, parfois complété par du papier journal (Roubaix). Dans ce dernier cas, il est parfois donné au restaurateur d'accéder à la littérature de l'époque, comme à Royaumont où nous avons pu trouver l'en-tête du journal « Le Ménestrel » dont une petite recherche sur l'internet nous a informé qu'il est parfaitement disponible en ligne sur le Web3 ! Une fois l'information prise, nous remettons bien entendu les papiers d'étanchéité originaux, non sans nous être imprégnés des dernières nouvelles musicales du 13 septembre 1863...

Plus sérieusement, il est à noter que Cavaillé-Coll ne passe jamais directement d'une basse en bois à un dessus à cheminée (dans les orgues étudiés), il y a toujours quelques tuyaux bouchés sans cheminée pour améliorer le passage harmonique entre les différents timbres.

Pour les anches, la formule de calcul des corps coniques est confirmée par les mesures en prenant comme petit diamètre celui de la fibre neutre de l'anche (diamètre intérieur plus une épaisseur). Dans le cas des Bassons à anches coniques, il faut prendre en considération le petit bout de l'anche. Ces longueurs exigent des entailles de timbre, car elles sont trop longues surtout dans le grave pour des pavillons coupés au ton.

Les tailles

À l'automne 1993, il m'a été demandé de faire une conférence en forme d'étude sur la tuyauterie Cavaillé-Coll. Cette étude est disponible en français et en (mauvais) anglais sur mon site web ; il ne me semble pas nécessaire de reprendre ici ce qui a été écrit alors et qui reste accessible très facilement. De plus, pour ce qui regarde la stricte méthodologie du calcul des tailles selon la méthode des progressions, un article est également disponible sur le site Web « L'Hydraule », malheureusement encore seulement en français, mais qui permet de faire des essais de calcul de tailles par le moyen de simples navigateurs Web, voire même d'obtenir des graphiques imprimables à l'échelle 1 des diamètres obtenus. C'est sur ce même site Web que l'on trouve la totalité des écrits de Cavaillé-Coll ainsi que le récapitulatif théorique presque exhaustif des tailles qu'il a utilisé pendant toute sa carrière.

C'est la raison pour laquelle, pour la compréhension du présent article, je me bornerai à faire un strict rappel de la méthodologie de Cavaillé-Coll pour établir ses diamètres de tuyaux. On part donc du rapport entre le premier et le cinquième Do. Par exemple, dans les Montres diapason A, B ou C, il choisit d'avoir le Do du 8 pieds six fois plus gros que le Do du 1/2 pied. On obtient donc le cinquième Do en divisant C1 par 6. On peut obtenir C3 en divisant C1 par la racine carré de 6. Ou bien pour les demi-tons obtenir C♯1 en divisant C1 par la racine quarante-huitième de 6 (4 × 12 =48).

Déjà en 1993, je notais que tous ces chiffres attestent que les quelques écrits que l'on possède sur la facture de Cavaillé-Coll ne doivent pas toujours être présentés comme une référence obligée et absolue. Depuis le temps de cette petite étude, nous avons pu affiner nos observations, en notant une évolution de facture s'étalant dans le temps mais aussi des variations assez fréquentes par rapport aux règles de Cavaillé-Coll. Ici comme souvent, on peut donc constater que si des principes de construction sont assez facilement définissables, c'est l'agencement pratique de ces composants qui fait le génie de Cavaillé. Pour illustrer tout ce qui précède, je présente ici un tableau d'analyse du calcul des tailles de l'orgue de Royaumont qui démontre qu'il peut se trouver des différences notoires entre les diapasons marqués (souvent sur le premier tuyau du jeu) et celui mesuré. De même, le calcul des longueurs de corps ou d'entailles de timbre peuvent fluctuer. Enfin, le rapport entre la circonférence et la largeur des bouches des tuyaux est souvent légèrement supérieure à 4 au contraire de ce que pourrait affirmer la théorie générale.



HARMONIE

Les caractéristiques sonores de l'orgue Cavaillé-Coll vont donc d'abord dépendre de tous les paramètres antérieurs de fabrication. Comme je l'ai déjà amplement souligné, le son, l'ampleur, la stabilité du son ne viennent pas que du tuyau mais de toute la chaîne de production et de distribution du vent, de la mécanique permettant à ce vent de pénétrer dans le pied du tuyau ; puis des paramètres déjà imposés lors de la fabrication du tuyau.

Dès le travail sur table, l'harmoniste pose les bases de son traitement sur les tuyaux neufs qui sortent de la tuyauterie. Sur chaque tuyau à bouche, il va tracer deux traits au compas, sur la soudure, à l'arrière du pied. Ces traits correspondent à deux tiers de diamètre intérieur. Du plus bas de ces traits, il pose une règle de longueur théorique (apparemment basée sur 433 Hz), ce qui lui donne la longueur totale du tuyau

Du haut du tuyau, deux autres petit traits sont faits à l'aide d'un compas ouvert à un diamètre intérieur, déterminent la position de l'entaille et la longueur minimale de cette entaille (position approximative du rouleau d'accord).

Que reste-t-il comme marge de manœuvre à l'harmoniste ?

En fait, celui-ci va d'abord définir l'équilibre des jeux les uns par rapport aux autres en se fiant aux différences des tailles et à leur évolution dans le jeu. Plus un tuyau est de grosse taille dans une famille définie, plus il est destiné à « parler fort ». Il y a toujours une analogie entre l'équilibre des timbres et des forces des jeux les uns par rapport aux autres et l'équilibre des tailles. C'est en partant de ce constat que nous avons fait nos choix d'équilibre dans l'harmonie de l'orgue de Royaumont qui avait été bien malmenée lors du déménagement de l'orgue de Coligny à Royaumont ainsi que dans les années 1970. Pour la première fois de ma carrière, nous ne pouvions nous contenter de retrouver une disposition antérieure puisque l'orgue n'avait jamais été harmonisé par Cavaillé-Coll pour la pièce où il se trouve maintenant. Nous avons donc recréé les équilibres disparus en gardant constamment sous les yeux les tableaux comparatifs des tailles intérieures et des hauteurs de bouche des tuyaux.

Cette force va s'obtenir en régulant l'arrivée du vent au pied et à la lumière du tuyau, dans les limites du bon goût ! La hauteur de bouche sera modifiée seulement à bon escient car il n'est évidemment pas possible de revenir en arrière. Les hauteurs des bouches sont définies par Veerkamp et Töpfer par une courbe logarithmique qui suit la progression racine quarante huitième de 9 avec une base de départ de 85 millimètres de haut pour la bouche d'un premier Do de 32 pieds. Cette base de départ semble avoir été assez bien suivie uniquement pour les principaux. Pour les autres jeux, les disparités de hauteur montrent bien une corrélation entre la hauteur de bouche, la taille et donc la largeur de la bouche et bien sur de la pression. Un jour, une étude pourrait peut-être mettre en lumière une constante mais j'en doute.



Les positions des entailles de timbre et leurs largeurs sont définies d'avance et préparées sur table par le tuyautier ou l'aide, de l'harmoniste. Il reste encore une variable non réversible qui a, par contre, été abondamment utilisées par les harmonistes de Cavaillé-Coll : c'est l'arête du biseau.

La position du biseau en hauteur par rapport à l'arête de la lèvre inférieure va permettre de guider cette lame plus vers l'intérieur ou l'extérieur du corps du tuyau et faire ainsi varier les vitesses d'attaque de ce son. La présence, le nombre et la forme de dents qui sont pratiquées sur l'arête du biseau sont extrêmement importantes pour la fluidité de cette lame d'air et la quantité de sons partiels enrichissant le son initial du tuyau.

Les frères Félix et Gabriel Reinburg étaient harmonistes en même temps chez Cavaillé-Coll et chacun travaillait différemment ces dents sur les biseaux. L'un pratiquait des lumières assez serrées et des dents fines, l'autre des lumières plus larges et des dents très profondes.

J'ai pu observer ces différences de traitement des tuyaux dans deux petits orgues que j'entretiens en Haute-Marne, qui n'ont jamais été retouchés par d'autres harmonistes depuis leur livraison par Cavaillé-Coll. L'un se trouve à Doulaincourt et a été harmonisé avec des dents fines, mais il est placé assez bas dans une église aux dimensions plutôt réduites. L'autre à Chateauvillain, avec des dents très prononcées et des attaques plus forcées, est placé sur une tribune relativement haute et dans un vaisseau assez important par rapport à la taille de l'orgue. Tous les deux sonnent donc très différemment mais sont d'authentiques Cavaillé-Coll.

Flûte Harmonique du Positif de l'orgue Cavaillé-Coll de l'abbaye de Royaumont.

 

CONCLUSION

On retiendra de tout ceci qu'il n'est pas de points de détails qui fasse loi dans l'art de la facture d'orgues mais bien une masse de détails qui, ensemble, forment une œuvre.

De plus, j'espère avoir fait comprendre ici qu'il n'y a pas une unicité sonore chez Cavaillé-Coll mais bien une qualité de fabrication, tant en mécanique qu'en tuyauterie, une logique de progressions, et, bien sûr, une qualité d'harmonisation. Ces orgues sont tous différents mais tellement bien construits et homogènes qu'ils passeront les siècles sans dommages puisque Cavaillé-Coll s'est toujours attaché à créer une constance dans la qualité et le rendu de ses instruments. Il a très rapidement établi des critères de fabrication de tous les éléments internes avec une rigueur jamais vraiment égalée. C'est la combinaison de tous ces ensembles cohérents qui définit, finalement, les caractéristiques et qualités sonores et non les seuls tuyaux ou la façon de les faire parler.

Mais tout ceci démontre aussi à quel point la restauration d'un orgue — de Cavaillé-Coll ou de tout autre facteur d'ailleurs — exige de ne pas se contenter de ses caractéristiques « théoriques » puisque l'expérience du restaurateur prouve chaque jour l'abondance de leurs diversités. J'ai déjà abordé dans un autre article la nécessité de conserver un instrument historique tel qu'il a été créé sans chercher à l'améliorer sous aucun prétexte. Je crois aussi qu'il est extrêmement dangereux d'imaginer l'état final des restaurations, particulièrement dans leur orientation sonore, avant même de les avoir commencées. Plus que du respect de notre patrimoine passé, il en va aussi de l'égard laissé à l'avenir de nos enfants, afin qu'ils puissent découvrir et jouer des orgues qui n'aient pas trop soufferts de nos propres projections. La démarche en vaut la peine ; il reste encore tant à découvrir...





Laurent Plet, facteur d'orgues.






Notes :


1 Juin 2010 ; article écrit originellement à l'attention de la revue néerlandophone « Orgelkunst », pour son numéro trimestriel de mars/avril/mai 2011.

2 in Jeunesse et orgue, 1979.

3 Sur le site Gallica de la Bibliothèque Nationale de France.