AUXONNE (Côte d'Or, FRANCE)

Restauration de l'orgue François Callinet (1789)

Présentation générale.


Historique de
l'instrument et de
sa restauration

par Laurent PLET.


Notes techniques
(par S.M.C.J.)

Sommaire

Plan du relevé



  Photographie de l'église.
Photo : Alain Doire/C.R.T. Bourgogne

     L'arrêté de classement Monuments Historiques de l'édifice (XIVe siècle) du 24 décembre 1904 contenait les informations suivantes sur l'orgue et la tribune : « La Tribune d'orgue est en pierre (XVIIe s.) : Immeuble par destination. Le buffet du grand orgue (1614) et celui du Positif (v. 1700) sont également considérés comme Immeubles par destination ».

     Les recherches de Messieurs Pierre-Marie Guéritey et Jean-Marc Baffert parues en octobre 1999 dans une brochure de présentation de l'instrument éditée par « Les heures musicales en Auxonnois » permettent de préciser enfin ces dates et les facteurs d'origine de cet orgue :

1615 :

Construction d'un orgue par Simon Duprey.

1716 :

Ajout du positif de dos par Guillaume Mourez (et modification probable des encorbellements du Grand Orgue pour élargir le soubassement de l'instrument).

1746 :

Ajout d'une pédale de 25 notes par Louis Péronard.

1789-1790 :

Reconstruction complète par François Callinet dont c'est le premier instrument neuf. En concurrence avec B. Boillot, il propose un premier devis le 7 octobre 1788 (Positif important et Grand Orgue incomplet), puis, plus tard un devis complémentaire non daté (compléments du Grand Orgue, Récit de 2 jeux au lieu du Cornet seul et pédale indépendante). Après quelques modifications en cours de construction, il semble qu'il ait livré son orgue avec la composition suivante :


Grand Orgue (C1D1-F5)

  • Cornet V C3
  • Montre 8'
  • Bourdon à chem. 16'
  • Bourdon à chem. 8'
  • Prestant 4'
  • Grosse Tierce 3'1/5
  • Dessus de 8'
  • Nasard 2'2/3
  • Quarte 2'
  • Tierce 1'3/5
  • Plein Jeu (et Doublette) VIII
  • 1ère Trompette 8'
  • 2ème Trompette 8'
  • Clairon 4'

Récit (G2-F5)

  • Cornet V
  • Flûte 8' (II rgs.)
 

Positif (C1D1-F5)

  • Dessus 8'
  • Bourdon chem. 8'
  • Prestant 4'
  • Carillon III C3
  • Nasard 2'2/3
  • Tierce 1'3/5
  • Fourniture (et Doublette) III
  • Cymbale III
  • Trompette Hautbois 8'
  • Cromorne 8'

Pédale (F0-F2)

  • Clarinette 3'
  • Clairon 6'
  • Trompette 12'
  • Flûte 4' (C1D1-F2)
  • Flûte 8' (C1D1-F2)

Tremblant
Accouplement Pos./G.O.

     Pour faire tenir un orgue de cette importance dans un buffet si exigu, il approfondit le Grand Orgue d'environ 50 cm et le positif de 6 cm. Il n'hésite pas à couder deux fois les pavillons de la trompette Positif de sorte qu'ils redescendent à l'intérieur du buffet, à poster les tuyaux de Bourdon de huit pieds à l'extérieur du grand buffet et place une pédale indépendante derrière celui-ci.


1822 :

Travaux de Louis Chavan (retouches de la composition, de l'harmonie et de l'accord).

1838 :

Relevage de Joseph Callinet.

1848 :

Relevage par un Monsieur Monnier (avec probablement léger changement de composition).

1862 :

Relevage par Bernard Rothé (remplacement de la soufflerie et du pédalier, accord).

1910 :

Réparation et mise au ton moderne par M. Maille.

1925 :

Relevage et pillage partiel de la tuyauterie par Bossier.

1975 :

Relevage et travaux d'harmonie par Philippe Hartmann qui, dès 1960 environ, a tenté de redonner vie à cet orgue avec les quelques moyens financiers dont il pouvait disposer

07/09/1979 :

Arrêté de classement M.H. de la partie instrumentale (Michel Chapuis rapporteur, Claude Aubry, technicien conseil)

1984 :

Travaux de tuyauterie par Claude Jaccard (essai de reconstitution du Plein Jeu de Grand Orgue à partir de tuyauterie de récupération et de tuyaux neufs en étoffe). Ce Plein Jeu sera réharmonisé à la demande de l'organiste titulaire, peu satisfait de l'effet obtenu.

1990 :

Relevé détaillé de la tuyauterie et de la mécanique par Pierre Chéron, à la demande de la Conservation Régionale de Bourgogne

10/10/92 :

Approbation par la CSMH du programme des travaux de restauration (Jean-Marie Meignien, technicien conseil et Michel Chapuis, rapporteur) : retour à la composition de l'orgue François Callinet

02/09/94 :

Suite à l'appel d'offres de juin 1994, le marché de restauration, conforme au programme approuvé par la CSMH, nous est attribué pour la somme de 1 311 716 Francs T.T.C.

02/11/1994 :

Ordre de Service no 1 et début des travaux de démontage. L'orgue est intégralement transporté dans notre atelier. Il ne reste, sur la tribune, que les poutres de soutien de tout l'instrument, directement fixées sur le plancher. Restauration en atelier des sommiers, des mécaniques et des buffets. Transport des façades des buffets après restauration (ébénisterie et sculptures) chez LP3, à Semur-en-Auxois pour les travaux de restitution du vernis d'origine. Étude complète (une fiche par tuyau) de la tuyauterie et des faux sommiers. Restauration et construction des tuyaux neufs en copie. Reconstitution de la soufflerie cunéiforme

01/04/1996 :

Interruption de chantier pour les travaux d'architecture. En effet, au moment où nous étions prêts à remonter l'orgue à Auxonne, les travaux de restauration de la tribune et de l'escalier d'accès ont été envisagés et entrepris. Par bonheur, Monsieur Pallot, architecte des Bâtiments de France, sensibilisé à l'extrême importance de l'emplacement d'origine des supports du buffets et des mécanismes, a accepté de faire exécuter tous les travaux relatifs à la tribune sans déposer les planchers d'origine.

01/06/1997 :

Ordre de Service no 6 de reprise de chantier. Remontage de l'instrument sur la tribune restaurée. Reconstitution sur place des éléments mécaniques disparus. Travaux d'harmonie à partir du 20/08/1997. Recherches minutieuses et essais sur les pressions, le ton et le tempérament. L'orgue est utilisable pour son usage liturgique dès le 1/10/97 et sa restauration pratiquement achevée le 31/12/97.
Cette restauration a nécessité environ 8 850 heures de travail au lieu des 6 360 heures prévues dans le devis. Cet écart ne vient pas d'une erreur d'estimation de ma part mais du temps de réflexion et de recherche de toute mon équipe au fur et à mesure des travaux de reconstitution, chacun étant très conscient de l'intérêt historique exceptionnel de cet instrument. Les heures consacrées à l'étude de tous les éléments subsistants, à la restitution des mécanismes disparus et à l'harmonie sur place ont été plus que doublées par rapport aux prévisions et « normes habituelles ».
Cette restauration s'est effectuée en collaboration étroite avec le technicien conseil, maître d'œuvre, présent à toutes les phases du chantier comme en témoignent les nombreux rapports de visite (cf archives). Elle a été surveillée et pleinement appréciée par Monsieur Michel Chapuis, rapporteur et responsable auprès de la Conservation Régionale des Monuments Historiques

27/04/1998 :

Lors d'une réunion de fin de chantier, remise du rapport de restauration en quatre volumes : deux volumes rassemblant les fiches individuelles des tuyaux à bouches, un volume de synthèse décrivant toute la restauration et un volume rassemblant les documents photographiques. Il ne reste qu'à reprendre l'harmonie des jeux d'anches après le réchauffement de l'église. Cette réunion de chantier aurait dû être logiquement préparatoire à la réception des travaux mais, pendant l'hiver, l'organiste titulaire a alerté l'administration, protestant énergiquement contre le résultat sonore obtenu par cette restauration tout en n'émettant « aucun doute sur la compétence du Facteur qui a travaillé de manière extrêmement scrupuleuse et respectueuse du matériel existant et des copies à réaliser ». L'orgue lui paraît trop faible et même s'il admet que c'est peut-être ainsi que Callinet le voulait, il lui semble impensable de le laisser dans cet état, demandant une réharmonisation.
Le résultat de cette opposition locale fut de retarder d'un an l'inauguration initialement prévue pour le 26 septembre 1998 et de provoquer plusieurs réunions sur la tribune dont une sorte de « contre-expertise » d'une demi-journée, par Monsieur Brochard, inspecteur général des orgues classés M.H. et Monsieur Brottier, nouveau technicien conseil de la région Bourgogne, le 6 octobre 1998. Je n'ai pas eu connaissance des rapports consécutifs à cette réunion (car l'administration n'a pas dû juger utile de tenir informé un simple artisan des remarques expertes concernant son travail) mais ils n'ont probablement pas été défavorables puisque les travaux de restauration ont enfin été reçus sans réserve et avec les félicitations réitérés du maître d'œuvre et du rapporteur, le 10 mai 1999.
Un autre effet secondaire de la déception de Monsieur Cuénot fut de bloquer les paiements des situations encore dues jusqu'au troisième trimestre 1999, et de m'obliger à préparer gratuitement l'instrument pour plusieurs réunions supplémentaires, ce qui est toujours préjudiciable à la trésorerie d'une entreprise artisanale.
On peut d'ailleurs légitimement se demander pourquoi l'administration qui prend de telles précautions pour encadrer le travail des restaurateurs devient aussi prudente et détachée dès qu'il s'agit de défendre des résultats obtenus sous son contrôle et pleinement approuvés par les experts qu'elle a elle-même désignés.

17/10/1999 :

Concert d'inauguration par André Isoir.

     Durant toute la restauration de cet orgue, comme dans tous les chantiers qui m'ont été confiés par les Monuments Historiques, je me suis toujours appliqué à retrouver les méthodes et habitudes du facteur d'origine en étudiant très attentivement les différentes pièces témoins et sans aucun à priori personnel. La même démarche ayant été suivie pendant toute l'harmonisation, il est donc tout à fait naturel que j'ai été parfois surpris en découvrant le résultat sonore de cette reconstitution, comme cela m'est déjà arrivé, par le passé, avec d'autres instruments. La douce plénitude du Grand Plein Jeu m'a particulièrement étonné, mais je suis certain d'avoir rendu à cet instrument ses caractéristiques d'origine, ce qui était ma mission de restaurateur.

     Il est toujours désagréable de rendre à l'organiste titulaire un orgue différent de ses attentes personnelles alors qu'il a souvent dépensé beaucoup d'énergie pour obtenir cette restauration, mais le travail du restaurateur n'est pas de lui faire plaisir, ni de suivre les modes musicales ou ses propres goûts, mais bien de toujours respecter le matériel ancien qu'il a dans les mains et d'en suivre tous les paramètres, sans tricher.

     Mais je suis très reconnaissant à tous ceux qui m'ont fait confiance pour mener à bien ce travail et très heureux d'avoir entendu messieurs Chapuis et Meignien affirmer que, grâce à ce cheminement minutieux et impartial, cet orgue, que je trouve très beau, est devenu un témoin capital de la facture de la fin XVIIIe siècle.

     Enfin, il est nécessaire de préciser que les documents rassemblés ici viennent en partie des rapports de Monsieur Pallot, architecte en chef des Monuments Historiques et de Monsieur Chéron, facteur d'orgues, à qui avait été commandé une étude sur cet instrument en 1990.




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